Le sommet annuel sur le changement climatique se tient du 11 au 22 novembre dans la capitale de ce pays du Caucase. Le groupe Média Afrique Environnement vous livre les principaux enjeux et éléments de contexte qui pourront peser sur les négociations.
Il ne devrait pas y avoir foule dans le stade de Bakou, qui accueille à partir de lundi 11 novembre la COP29, mais les experts appellent tout de même à « redonner de la puissance » à ce sommet annuel pour le climat. Car les enjeux à l’ordre du jour de cette 29e conférence onusienne sur le changement climatique, qui se tient jusqu’au 22 novembre dans la capitale de l’Azerbaïdjan, sont nombreux. Organisée une fois de plus dans un pays pétrolier, un an après celle de Dubaï, cette COP devrait se concentrer sur le financement de la transition écologique. Mais les négociations s’annoncent déjà difficiles. Enjeux, grands absents, intérêts. Voici ce qu’il faut savoir avant le top départ de cette conférence.
1- Le pays hôte est à nouveau un grand exportateur de pétrole et de gaz:
Pour la deuxième année consécutive, le pays qui reçoit la COP est un grand exportateur d’énergies fossiles, dont la combustion est à l’origine du réchauffement climatique. L’Azerbaïdjan est « l’un des principaux producteurs de pétrole brut et de gaz naturel au monde », signale l’Agence internationale de l’énergie(Nouvelle fenêtre) (AIE). Les énergies fossiles « représentent 90% de ses revenus issus de l’exportation, 60% des recettes de l’Etat et 30 à 50% du PIB », précise l’AIE (en PDF)(Nouvelle fenêtre). « Ce n’est pas parce qu’un pays producteur de pétrole accueille la COP qu’on ne peut pas avoir des résultats ambitieux », veut toutefois croire le cabinet de la ministre de la Transition écologique française, Agnès Pannier-Runacher.
L’Azerbaïdjan devrait par ailleurs être moins sur le devant de la scène que son prédécesseur, les Emirats arabes unis, et leur président de COP, Sultan al-Jaber. « L’Azerbaïdjan ne s’attendait pas forcément à devoir assumer cette présidence », commente auprès de franceinfo Yannick Glemarec, directeur de recherche au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired). Le pays a été nommé tardivement : l’organisation, confiée chaque année à un bloc de pays différent, devait revenir à l’Europe de l’Est en 2024, mais la Russie bloquait le choix de la Bulgarie. Bakou a donc hérité de cette COP en décembre dernier, et son ministre de l’Ecologie et ancien de la compagnie pétrolière Socar, Moukhtar Babaïev, a été désigné président de la COP29 en janvier.
« On aura un président un peu plus faible que l’an dernier », prédit Lola Vallejo, directrice du programme climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Le président d’une COP n’a pas de rôle décisionnaire, mais il peut favoriser les négociations. Et, avant même l’ouverture de la COP28 à Dubaï, l’Emirati Sultan al-Jaber s’était imposé comme un acteur incontournable.
2- Il y aura plusieurs absents de marque:
Les conférences climat de l’ONU réunissent en général les dirigeants du monde entier, ainsi que leur délégation. Mais alors que la précédente édition, à Dubaï, avait été la plus grande jamais organisée avec ses plus de 80 000 participants, celle-ci devrait être d’une ampleur moindre. Moins de chefs d’Etat sont attendus à la tribune, et moins de dirigeants du monde de la finance dans ses couloirs. Certains préfèrent se projeter sur la COP30, l’an prochain au Brésil. Le président brésilien, Lula, pourtant prochain hôte des négociations, a d’ailleurs fait savoir qu’il ne se rendrait pas à Bakou, préférant se concentrer sur le sommet du G20, que le Brésil va accueillir les 18 et 19 novembre à Rio de Janeiro. Confronté à une crise interne, le chancelier allemand Olaf Scholz a, lui, annulé sa venue.
Le président américain, Joe Biden, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, ou encore le Premier ministre australien, Anthony Albanese, ne figurent pas non plus dans une liste provisoire des dirigeants présents(Nouvelle fenêtre). Si elle y est inscrite, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’assistera pas non plus à la COP29. « La Commission est dans une phase de transition et la présidente va donc se concentrer sur ses devoirs institutionnels », a déclaré un porte-parole à Politico(Nouvelle fenêtre).
Côté français, Emmanuel Macron comptera aussi parmi les absents. « L’agenda international est extrêmement chargé, fait valoir le cabinet de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Figurent notamment au planning les COP climat, biodiversité et désertification, mais aussi les conseils européens ainsi que le dernier round de négociations sur le traité plastique. La ministre se rendra, elle, à Bakou du 20 au 24 novembre, pour la phase finale des négociations. « Il n’est pas question de faire la chaise vide, la France est mobilisée dans les négociations climatiques », défend son cabinet.
3- Des risques pour la sécurité, notamment les Français
Des questions de sécurité se posent aussi sur place, décourageant les participants potentiels. Elles concernent notamment les Français. Paris et Bakou sont en crise ouverte depuis plus d’un an et un fort sentiment antifrançais s’est développé sur place. « Il est désormais déconseillé, sauf raison impérative, aux ressortissants français, y compris binationaux, de se rendre en Azerbaïdjan. Ils s’exposent à un risque d’arrestation, de détention arbitraire et de jugement inéquitable », prévient le ministère des Affaires étrangères(Nouvelle fenêtre).
Les ONG dénoncent aussi la répression des voix militantes sur place. A l’image de l’arrestation, en avril, du défenseur azerbaïdjanais des droits humains et militant du climat Anar Mammadli. Human Rights Watch s’est ainsi inquiétée, début octobre, du traitement réservé aux personnes critiques du régime. « Les autorités azerbaïdjanaises ont utilisé des accusations criminelles fallacieuses et politiquement motivées pour poursuivre et emprisonner des activistes de la société civile, des journalistes et des défenseurs des droits humains » avant la COP29, a dénoncé l’ONG(Nouvelle fenêtre). Le Parlement européen s’est associé à ces critiques. « Les violations des droits de l’homme actuellement perpétrées par l’Azerbaïdjan sont incompatibles avec son statut de pays hôte de la COP29 », a-t-il déclaré dans une résolution(Nouvelle fenêtre) adoptée fin octobre. Le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher assure rester « vigilant sur ce point ».
4- Le financement pour le climat sera au cœur des discussions
La conférence internationale doit décider d’un nouvel objectif chiffré collectif (NCQG) pour la finance en direction du climat. Il devrait remplacer celui fixé en 2009, qui prévoyait que les pays riches fournissent 100 milliards de dollars d’aide annuelle aux pays en développement. Mais les discussions s’annoncent longues et les « crispations » nombreuses, sur le montant, la forme ou encore sur l’identité des contributeurs à cette aide, s’inquiètent des ONG(Nouvelle fenêtre). « Il y a le spectre de ne pas voir ce sujet aboutir », s’inquiète Lola Vallejo. Le sujet a déjà bloqué la réussite de la COP16 consacrée à la protection de la biodiversité.
La COP29 intervient aussi au moment où les pays du monde entier doivent prendre de nouveaux engagements climatiques (NDC) pour respecter l’accord de Paris. Elle est « très importante à ce titre », juge Kévin Magron, ambassadeur pour le climat de la France par intérim. « Il faut une montée en puissance de leur ambition, juge Yannick Glemarec. Si on regarde les NDC [les feuilles de route nationales actuelles], on va joyeusement vers un réchauffement global de 3°C », soit largement au-dessus du seuil fixé par l’accord de Paris.
La mesure controversée, héritée de l’accord de Paris, qui permet aux Etats d’échanger des crédits carbone pour atteindre leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sera également à l’ordre du jour. La COP28 avait échoué à encadrer ce marché, souvent dénoncé pour ses bénéfices inexistants pour le climat et son « greenwashing ». L’édition 2024 de la conférence devra donc de nouveau se pencher sur une régulation de ce marché, sujet sur lequel la présidence azerbaïdjanaise a montré une envie d’avancer. « Ça fait dix ans qu’on le négocie. C’est bien engagé, mais la négociation n’est pas terminée », décrivait, quelques jours avant le début de la COP, Kévin Magron.
5- Le contexte international et l’élection américaine jettent une ombre sur les négociations:
« Le contexte géopolitique actuel rend très difficile d’aborder la question politique de l’accélération de la transition et de son caractère plus équitable », a commenté Alexandra Scott, spécialiste de la diplomatie climatique pour le groupe de réflexion Ecco. Le ministre des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a d’ailleurs défendu une « trêve COP29 », « appelant à une pause dans les conflits pendant la conférence », rapporte l’ONU(Nouvelle fenêtre). Car « les négociations sont poreuses au contexte international », acquiesce Lola Vallejo.
La COP29 se tient également six jours après l’élection présidentielle américaine et le scrutin devrait, une nouvelle fois, peser sur les discussions. Le vainqueur, le républicain populiste Donald Trump, a multiplié les propos climatosceptiques pendant sa campagne, qualifiant le réchauffement global de « canular » et promettant de « forer à tout va ». « Donald Trump peut faire [de la sortie de l’accord de Paris] un geste symbolique, comme Joe Biden, qui l’avait réintégré immédiatement après son élection« , imagine Lola Vallejo.
En 2020, « le système s’était montré résilient », rappelle-t-elle. Mais cette fois-ci, le milliardaire s’est engagé « à quitter non seulement l’accord de Paris », « mais il pourrait aussi quitter la convention dans son ensemble ». Le « Projet 2025 », une feuille de route rédigée par un courant conservateur proche du président élu, le propose. Washington se désengagerait alors de la diplomatie climatique, au milieu d’une décennie critique pour la lutte contre le réchauffement mondial, comme l’a signalé le Giec. Conséquence immédiate, sans même attendre son investiture en janvier : la voix des négociateurs américains à la COP29 s’en trouvera affaiblie. D’autant que Joe Biden ne fera pas le déplacement pour le sommet inaugural entre les chefs d’Etat et de gouvernement.
« Si les Etats-Unis ne sont pas là pour peser, les négociations seront compliquées. » Lola Vallejo, directrice du programme climat à l’Iddri
D’autres rappellent qu’historiquement, les Etats-Unis n’ont que peu contribué à la finance climatique, et donc qu’une victoire de Donald Trump n’empêcherait pas un accord sur le nouvel objectif pour la finance en direction du climat. « La course industrielle à la neutralité carbone est lancée au niveau international. La Chine est de loin en tête, fait valoir Neil Makaroff, expert à la fondation Jean-Jaurès. Je ne pense pas que l’administration Trump retirera ses investissements. Ça a créé tellement d’emplois… »
Beaucoup envisagent aussi qu’une sortie américaine de l’accord de Paris motive les autres pays à accélérer la cadence. « Nous nous attendons à un réengagement mondial retentissant en faveur des objectifs de l’accord de Paris (…) pour isoler le gouvernement de Trump et continuer le progrès mondial », avance Brendan Guy, de l’ONG américaine NRDC.
6- Un tremplin pour celle de la COP30 au Brésil:
La COP29 prépare surtout la prochaine. Organisée par le Brésil, à Belém, la COP30 « marquera la fin d’un cycle », dépeint Michel Colombier, directeur scientifique de l’Iddri. D’ici février, les 195 pays signataires sont tenus de rehausser l’ambition de leurs engagements de réduction des émissions. Et la marche semble haute : un récent rapport de l’ONU a établi que les plans d’actions actuels mènent à 2,6% de baisse des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2019. Bien loin des 43% préconisés pour espérer limiter le réchauffement climatique au seuil vivable de 1,5°C. Les experts espèrent donc voir des avancées significatives lors de cette COP.
« La COP29 est une étape vers la COP30, pour relancer des dynamiques et finaliser des points techniques, et donc éviter qu’ils ne traînent au Brésil. » Michel Colombier, directeur scientifique de l’Iddri.
Dans ce but, les Emirats arabes unis, qui ont présidé la COP28, l’Azerbaïdjan, hôte de celle de cette année, et leur successeur, le Brésil, ont annoncé une alliance en février dernier. Une « troïka des présidences de COP » qui doit « garantir la collaboration et la continuité nécessaires pour maintenir en vue l’étoile polaire de 1,5°C, depuis Bakou jusqu’à Belém et au-delà », a déclaré Sultan al-Jaber(Nouvelle fenêtre), président de la COP28. Fin octobre, seuls 34 pays avaient soumis une mise à jour de leurs engagements, selon le même rapport de l’ONU(Nouvelle fenêtre). Dans une lettre aux pays signataires(Nouvelle fenêtre), la « troïka » dit vouloir montrer l’exemple en publiant les siens, espérant être suivie au plus vite par le reste du monde.