Ghana: Les activités humaines réduisent la capacité d’absorption du carbone des aires protégées.

Une étude récente indique, que la déforestation et la dégradation des forêts liées aux  activités de l’homme réduisent le potentiel de stocks de carbone des écosystèmes forestiers. L’étude, publiée par la revue ScienceDirect, met en évidence la corrélation entre la réduction des stocks de carbone et la dégradation du Sanctuaire des singes de Boabeng Fiema (BFMS),  ainsi que de la Réserve naturelle intégrale de Kogyae (KSNR) au Ghana.

Ces deux écosystèmes sont localisés dans la zone de transition entre la ceinture forestière du sud et la savane boisée du nord du Ghana et présentent une végétation sèche semi-décidue.

Les chercheurs ghanéens, ivoiriens et allemands qui ont réalisé l’étude, attribue aux activités humaines, telles que la chasse, l’agriculture et la carbonisation, les causes de la dégradation de ces écosystèmes forestiers.

A l’aide des images satellitaires et des systèmes d’information géographique (SIG), et des données recueillies sur le terrain, ils ont analysé les stocks de carbone des deux écosystèmes sur la période 1992 à 2023.

                  Un joli plan d’eau dans la région de Savane au Ghana. Image de Knowledge and philosophy

Les trois méthodes utilisées ont permis d’établir que « le Sanctuaire des singes de Boabeng Fiema a subi une perte totale de 40 236 Mg C (soit 40 236 tonnes de carbone), tandis que la Réserve naturelle intégrale de Kogyae a perdu 272 109 tonnes de carbone ».

De plus, ils ont établi, à l’issue de leurs analyses, que la structure de la végétation influence le piégeage du carbone. « Les forêts denses avaient le stock de carbone le plus élevé parmi les différents types de végétation, le sol représentant le réservoir de carbone le plus important dans les zones protégées », écrivent-ils dans leur étude. « Compte tenu de l’intérêt croissant pour l’utilisation de solutions basées sur la nature, telles que les forêts, pour atténuer les effets du changement climatique sans nuire à l’environnement, la surveillance des changements dans la couverture végétale et l’estimation des stocks de carbone, sont des stratégies pratiques et efficaces pour atteindre cet objectif », précisent les auteurs de l’étude.  « Le potentiel substantiel de séquestration du carbone observé dans les différents types de végétation de la zone étudiée indique, que la zone de transition forêt-savane, est une zone potentielle pour l’atténuation du changement climatique, en accord avec les objectifs de développement durable (objectifs 13 et 15) et la politique nationale du Ghana en matière de changement climatique », disent les auteurs de l’étude.

Les résultats obtenus par les chercheurs fournissent des indications précieuses pour le commerce du carbone et la conservation de la biodiversité, soulignant le potentiel des solutions basées sur la nature pour relever les défis climatiques mondiaux.

Selon Diwediga Badabaté, Chercheur et consultant indépendant, spécialiste en changement climatique et gestion des terres basé au Togo, « les aires protégées ont leur potentiel, leur part à jouer quel que soit leur état. Malgré leur état de dégradation avancée, elles ont leur part à jouer dans l’atténuation des changements climatiques. En ce sens que, non seulement la composante végétation est un grand réservoir de carbone, mais aussi les sols de ces écosystèmes ou aires protégées constituent un grand puits de carbone. Tout ceci mis ensemble, on ne peut pas s’empêcher un seul instant sur le potentiel réel que peuvent jouer les aires protégées dans l’atténuation du changement climatique, y compris même l’adaptation et la résilience. D’où tout l’intérêt de s’investir activement dans leur conservation et/ou restauration ».

Un homme dans une pirogue sur le fleuve Volta dans la région de Savane au Ghana. Image de Knowledge and philosophy via wikimedia (CC BY-SA 4.0).

Mener des actions pour sauver les aires protégées

La dégradation de l’aire protégée du Sanctuaire des singes de Boabeng Fiema et de la Réserve naturelle intégrale de Kogyae au Ghana, confirme la tendance globale des défis menaçant  les aires protégées en Afrique et sur d’autres continents. « Lorsqu’on fait une petite analyse de la situation au Togo, on se rend compte que 90 % des aires protégées sont sous forte menace, sinon, menacées, confirmant ainsi la tendance de la dégradation de nos aires protégées en Afrique », indique  Badabaté.

De fait, les stocks de capital naturel protégé baissent rapidement en Afrique et continueront probablement à s’amenuiser si les actions menées ne sont pas intensifiées. « La capacité des aires protégées africaines à conserver le capital naturel n’est que partielle. Même si ces aires protégées se trouvent généralement en meilleur état environnemental que les zones qui les entourent, la situation s’est fortement détériorée ces 20 dernières années : dans 40 pays africains, au moins un quart des aires protégées nationales montre des signes de dégradation », indique une étude réalisée sur les actifs naturels protégés de l‘Afrique dans le cadre de « L’initiative Green Value », un programme-cadre du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) pour la valorisation du capital naturel en Afrique.

Cette étude précise, qu’en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, en Éthiopie, à Madagascar, en Mauritanie et au Maroc,« à l’intérieur des aires protégées, 6 % des forêts ont été perdues entre 2000 et 2018 (taux de déforestation hors des aires protégées : 9 %). Et 8,5 % des terres cultivables du continent se trouvent à l’intérieur de ces aires protégées (325 000 km²). La dégradation devrait s’accélérer dans toutes les régions d’Afrique. Si la tendance actuelle se poursuit, 4 % des terrains boisés qui étaient présents dans les aires protégées d’Afrique en 2018 seront perdus d’ici à 2030, soit plus de 55 000 km². La superficie totale de terres dégradées dans les aires protégées (des six pays notamment, NDLR) pourrait augmenter de plus de 40 % entre 2020 et 2030 ».

Pour Diwediga, « pour résoudre le problème de la dégradation des aires protégées, par expérience, je suggère qu’on se réfère souvent aux premières causes de dégradation des aires protégées. Ainsi, aujourd’hui, pour réduire la dégradation des aires protégées, il faut résoudre les problèmes de pauvreté et d’’accès à la terre, éviter les incursions de l’agriculture dans les aires protégées ». « Il est aussi impératif de résoudre les questions énergétiques, surtout en lien avec la biomasse ou la bioénergie, pour éviter qu’il y ait des exploitations ou des extractions de bois dans les aires protégées. Il faudra aller vers une planification de l’utilisation. Au cas contraire, quels que soient les efforts de restauration, nous allons tomber dans un cycle vicieux et nous ne nous en sortirons jamais », dit-il. « Il faudra changer aussi d’approche dans la mise en œuvre des actions de conservation des aires protégées. Il faut concentrer les actions de conservation et de restauration autour  des aires protégées au lieu de mener des actions éparses en espérant un impact important. Jusqu’ici, des actions sont menées, mais manquent d’une coordination et d’une concentration autour des aires protégées », précise l’expert.

Selon Yendouhame Monkounti, spécialiste de la gestion des projets de restauration des paysages forestiers au Togo, la préservation des aires protégées ne peut être envisagée sans les communautés riveraines, agents directs des pressions. « Des alternatives durables doivent leur être proposées, si l’on veut qu’elles renoncent à leurs pratiques actuelles incohérentes avec la préservation des aires protégées. Je pense notamment à l’agroforesterie pour les sédentariser sur leurs parcelles et éviter la recherche de nouvelles terres au détriment des surfaces des aires protégées, le développement des filières de produits forestiers non ligneux comme le néré, le karité, l’apiculture et bien d’autres pour accroître leurs revenus, le recours à des équipements de cuisson économe en énergies, notamment les foyers à charbon ou à bois améliorés et du gaz butane dans une certaine mesure », dit Monkounti.

Au Togo, le gouvernement met en œuvre, avec 8 ONG, un projet de Gestion Intégrée des périphéries des Aires protégées dans l’objectif de réduire les pressions anthropiques exercées par les populations riveraines sur trois aires protégées du pays (le Parc Fazao-Malfakassa, la Forêt classée d’Abdoulaye et la Réserve de Biosphère de Togodo-Mono), représentant environ 30 % de la superficie des aires protégées du pays.

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